ENSEIGNEMENT MORAL ET CIVIQUE
RESSOURCES philosophiques
de l'académie de Créteil
« S’il y avait un peuple de dieux, il se gouvernerait démocratiquement. Un gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes. » ROUSSEAU
LA DEMOCRATIE ATHENIENNE
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Montrer à partir de cet extrait, l'importance de la "mesure", du modèle géométrique dans les représentations de la guerre et de la démocratie.
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Quelle conception du corps humain, puis du corps politique donne à comprendre ce texte ?
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La mesure est l'opposée de l'hubris. Qu'est-ce que cela donne à penser de la démocratie ?
ATHLETE ET GUERRIER
Le spectacle des jeunes athlètes fait également partie des plaisirs de la vie athénienne. Et le lien avec la sculpture est évident. À côté du modèle sculptural, élaboré depuis l’archaïsme, et qui se déploie dans les sanctuaires et l’espace public des nécropoles, on voit sur les vases se multiplier l’image du jeune athlète, exposé au regard d’adultes connaisseurs, arbitres ou pédagogues, amateurs en tout cas de beauté juvénile. Ces images sont souvent accompagnées d’inscriptions de type ho pais kalos, « le jeune homme est beau ». L’image ne fait que traduire cette beauté et la décliner sous de nombreux aspects : préparatifs, entraînement, compétition, victoire. Les exemples abondent et l’on ne peut ici qu’en évoquer quelques-uns, particulièrement significatifs.
Sur une amphore à figures rouges attribuée au peintre de Triptolème8, un lanceur de javelot se tient debout, à l’arrêt. Détail remarquable, son sexe est ligaturé, maintenu par une sorte de lanière élégamment nouée, que les Grecs appellent kunodesme, le « lien du chien » (ce dernier terme s’appliquant au gland)9. Il s’agit d’une forme de bridage, parfois inexactement nommée « infibulation » (mais il n’y a ici aucune fibule, aucune épingle métallique). La force de l’athlète est sans rapport avec la taille de son sexe, bien au contraire. L’idéal de l’élégance pour le jeune homme tel que le décrit Aristophane n’est pas une hypervirilité sexuellement marquée. Pas de surmâle dans l’Athènes archaïque. Dans les Nuées, Aristophane fait ainsi parler le Dikaios Logos, qui rappelle ce que doit être le parfait jeune homme à la palestre : « Tu auras toujours la poitrine robuste, le teint clair, les épaules larges, la langue courte, la fesse grosse, la verge petite. »10
Illustration 2 – Peintre du baiser, Johns Hopkins University, Baltimore
La beauté du jeune athlète est encore plus éclatante dans les scènes de victoire, quand on le voit couvert de rubans et de branchages, comme sur un plat signé d’Epictetos11. Sur une coupe attribuée au peintre du Baiser (illustration 2), le jeune athlète se tient sur un podium, tenant une lance et un paquetage, devant un adulte barbu12. Le jeune homme présente une attitude plutôt rigide, même si son torse est tourné de face vers le spectateur ; l’ensemble, surélevé par le podium, donne l’impression d’une statue, rejoignant ainsi le modèle visuel que connaissent aussi bien les peintres de vases que les buveurs au symposion. Toutefois sur cette coupe, la statue donne l’impression de bouger, de se tourner vers nous et de nous interpeller, tout comme l’inscription qui se déploie autour des deux personnages : Leagros kalos, « Leagros est beau ». Ce genre d’acclamation est fréquent sur les coupes de cette époque, et le nom de Leagros est répété sur d’autres vases, avec d’autres scènes13. Il n’est pas sûr qu’il faille appliquer cette acclamation au jeune athlète vainqueur, mais l’aura de l’image rejaillit sur Leagros, tout comme la célébrité de Leagros embellit cette image.
L’effet de statuaire recherché par cette image trouve un équivalent remarquable au début du Charmide de Platon14. Socrate revient de la bataille de Potidée, il demande à Critias des nouvelles d’Athènes et s’informe s’il y a quelques jeunes gens qui se distinguent par la science ou la beauté. C’est alors que Charmide entre à la palestre. « Tous avaient les yeux attachés sur lui […]. Ils le regardaient comme on contemple une statue. » Chairemon interpelle alors Socrate : « Comment te semble ce jeune homme ? N’est-il pas beau de visage – Certes. – Et pourtant s’il voulait se déshabiller tu penserais qu’il est sans visage tant son corps est parfait. » Le bel athlète est ainsi vu comme une statue (agalma), puis comme un corps idéal dont le visage pourtant si beau (euprosôpos) n’est rien à côté de la perfection de son apparence corporelle (eidos pankalos).
Le corps du guerrier
Dans la sculpture archaïque, les kouroi sont construits avec une rigueur anatomique qui met en évidence leur musculature ; seule une jambe avance tandis que les bras restent collés au corps (illustration 3, page suivante)15. De cette raideur apparente émane une puissance virile indéniable qui fait de l’homme un corps solidement fiché en terre, droit et inébranlable. À cela répond la conception de l’homme tetragonos, « carré », telle que l’exprime Simonide16 ; il est ancré dans le sol et prêt à résister aux assauts.
Cette image du corps se retrouve dans la conception archaïque de l’armure. L’hoplite est équipé de jambières et d’une cuirasse qui reproduit l’anatomie du corps musclé tout en le stylisant. Le long des mollets s’étirent des volutes ; sur la cuirasse, les pectoraux deviennent des spirales et l’abdomen est nettement marqué par un V inversé17. En reproduisant les lignes anatomiques, les bronziers ont créé un système ornemental qui fait du corps masculin une œuvre d’art. La cuirasse et le torse, qui se disent tous deux thorax, se confondent et se dédoublent18.
C’est que les armes, la panoplie de bronze en particulier, sont les marqueurs de la masculinité et constituent l’identité du guerrier. Or, l’imagerie grecque construit ce moment de la prise d’armes par le guerrier à partir d’un thème mythologique qui fonctionne comme le paradigme de l’armement : la remise de ses armes à Achille par sa mère Thétis. L’épisode est connu par l’Iliade qui insiste longuement sur la fabrication d’une nouvelle armure par Héphaïstos, après que Patrocle, revêtu des armes d’Achille, a été tué par Hector. Achille reçoit alors une nouvelle panoplie, d’origine divine. Sur une amphore de Boston (illustration 4)19, on voit Achille debout, simplement vêtu d’une courte tunique, semblable à un kouros, prenant le bouclier que lui tend Thétis. Leurs noms inscrits se croisent entre leurs visages, matérialisant la trajectoire du don. Derrière Thétis, sont portés les autres éléments de l’armure, une cuirasse à l’anatomie stylisée, des cnémides et un casque. Le corps en morceaux est déployé sous nos yeux avant de se rassembler sur le corps juvénile d’Achille encore nu, sans armes, gymnos.
Amphore représentant l’armement d’Achille, 550 av. J.-C.
© 2013 Museum of Fine Arts, Boston
Le rapport d’Achille aux armes et à la guerre est particulièrement riche et complexe. Ovide rappelle que le héros n’a pas toujours été au front20. Dans ses tentatives pour lui épargner la mort prématurée des héros au combat, Thétis a essayé de le soustraire à son rôle viril. Elle en a fait une fille, cachée parmi les filles du roi Lycomède. Pendant son adolescence, Achille, vêtu comme une fille parmi ses compagnes, ignore tout de la guerre et des armes. Mais les Grecs ont besoin de lui pour prendre Troie, et c’est Ulysse qui par la ruse, trouve le moyen de le démasquer. Ulysse, déguisé en marchand, arrive chez Lycomède apportant divers objets destinés à une clientèle féminine : bijoux, miroirs, tissus, sous lesquels il a dissimulé des armes. Dès qu’il s’en approche, Achille ne peut résister à l’appel de sa nature réelle, de sa masculinité refoulée. Il s’empare de ces armes et rejoint l’armée des Grecs. Plusieurs peintures pompéiennes se réfèrent à cet épisode21. Sur l’une d’elles22, Achille s’est emparé d’un bouclier tandis qu’Ulysse le saisit au poignet, sous le regard effrayé des autres jeunes filles. Les armes révèlent Achille à lui-même et lui rendent son identité.
Coupe de Douris, autour de 490 av. J.-C.
© Kunsthistorisches Museum, Vienne
Tout comme cette identité se construit par la conjonction d’un corps et de ses armes, elle se défait au moment de la mort, par leur dissociation. Les armes sont alors l’objet d’une transmission dont on trouve un bel exemple au médaillon d’une coupe de Douris (illustration 5)23. Un jeune homme et un adulte barbu se tiennent face à face. Entre eux, se dresse au sol une paire de cnémides, ils tiennent l’un et l’autre la cuirasse, tandis que le casque est levé par le jeune homme et le bouclier encore au bras de l’adulte. L’ensemble de la panoplie, vide, est présenté verticalement, comme si le corps absent l’habitait encore. Le passage de la panoplie dessine l’image en creux du guerrier qui l’a portée.
Le célèbre cratère signé d’Euphronios, jadis conservé à New York et rendu désormais à l’Italie24, propose une variante remarquable de cette mise en scène des corps masculins. Sur la face principale, le cadavre de Sarpédon, roi des Lyciens et fils de Zeus, est soulevé par Hypnos, le Sommeil, et Thanatos, le Trépas, sous le regard d’Hermès. Sarpédon est presque entièrement nu ; il n’a conservé que ses jambières, tandis que le reste de sa musculature nous est présenté de face, comme exhibé pour souligner non pas tant l’horreur des blessures et du combat, que l’éclat de sa jeunesse et la beauté de sa mort héroïque. Au revers du même cratère, symétrique et complémentaire de cette image, cinq jeunes hoplites s’arment, ajustant cnémides, baudriers et boucliers. Cette idéologie de la belle mort est centrale dans les poèmes homériques et traverse la culture archaïque, d’Homère à Simonide25. Panta kala, tout est beau dans ce corps héroïque, et les imagiers, les peintres de vases en particulier, ont multiplié ce type d’images.
EXTRAIT DE :
LISSARRAGUE, François. Masculinités grecques : images de l’athlète et du guerrier In : Une histoire sans les hommes est-elle possible ? Genre et masculinités [en ligne]. Lyon : ENS Éditions, 2014 (généré le 22 novembre 2022). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/enseditions/8382>. ISBN : 9782847885361. DOI : https://doi.org/10.4000/books.enseditions.8382.
Du héros-guerrier au citoyen-soldat
A partir des textes à droite, donner une définition de la guerre et ce qui la distingue de la vengeance.
L'héroïsme est-il une valeur démocratique ?
Comparer la figure de l'athlète et celle du héros
Y-a-t-il une place pour l'individu dans la démocratie ?
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- Le service militaire
De l'héroïsme au mérite
La metis et le calcull rusé
Les réformes de Clisthène
Après la chute d'Hippias, le dernier Pisistratide, en l'espace de quelques années, de 507 à 501, la cité va se doter d'une constitution originale et radicale, sous l'impulsion d'un réformateur audacieux : Clisthène.
La personnalité de Clisthène
Qui était Clisthène ? Un membre d'une des plus illustres familles athéniennes : les Alcméonides ; un petit-fils de tyran, son grand-père Clisthène de Sicyone ayant été dans sa cité l'homologue de Pisistrate. Comment et pourquoi cet aristocrate va-t-il non seulement prendre la tête du parti populaire mais, chose bien plus estimable, s'élever au dessus de toute ambition populiste pour inspirer la première véritable constitution démocratique de l'histoire ? La question reste posée et nous devons nous satisfaire de la formule lapidaire d'Aristote qui résume ainsi son oeuvre et sa vie : "il donna le pouvoir à tout le peuple". Sans doute la compétition politique et la pression des événements ont-elles joué un rôle aussi important que la vision historique mais il est certain que cet homme cultivé était également inspiré par la philosophie rationnelle de son temps et en particulier par le souci de perfection propre à la pensée pythagoricienne. On sait par ailleurs qu'il avait voyagé et étudié la constitution d'autres cités grecques et de quelques unes de leurs colonies. La hardiesse et la radicalité des mesures qu'il va faire prendre à ses concitoyens ont peut-être à voir avec l'esprit pionnier qui préside à la fondation d'une nouvelle cité.
Redéfinition de l'espace et du temps politique
Ni Dracon, ni Solon ni Pisistrate n'avaient osé toucher à la structure clanique qui régissait le fonctionnement politique d'Athènes depuis le VIII° siècle. Le système des quatre tribus et des douze naucraries servait de cadre à toute l'organisation civile, politique et religieuse. La réforme de Clisthène repose principalement sur un bouleversement complet de cette organisation. Les anciennes structures de base (dème, phratrie, tribu, trittye, naucrarie) ne sont pas abolies mais leur rôle et leur répartition sont redéfinis. L'ensemble est désormais basé sur un système décimal qui n'est pas sans évoquer le projet des révolutionnaires français du XVIII° siècle. Selon le même principe, un calendrier politique est établi. Il ne remplace pas le calendrier religieux lunaire mais divise l'année politique en dix mois solaires, s'inspirant des découvertes astronomiques récentes faites en Asie Mineure et au Moyen-Orient.
Élargissement du demos
Pour assurer le succès de son redécoupage et rompre définitivement avec l'ancienne organisation de type clanique, Clisthène offre la citoyenneté à de nombreux non-citoyens qu'il répartit dans les nouveaux dèmes et les nouvelles tribus. Plusieurs milliers d'hommes libres mais issus d'unions illégitimes, de métèques, d'étrangers et même d'esclaves sont ainsi naturalisés et deviennent membres de plein droit de l'Ecclesia dans laquelle on peut penser qu'ils constituent un des plus fermes soutiens du régime démocratique naissant.
Les organes du gouvernement
En l'espace de cinq ans, tout le pouvoir politique est transféré à l'Ecclesia. On aménage spécialement la colline de la Pnyx sur laquelle les citoyens ont le droit et le devoir de se rendre, quatre fois par mois, pour débattre et gouverner directement la cité, selon la règle de la majorité simple et par votes individuels à main levée. L'Héliée retrouve tous les pouvoirs que la réforme de Solon lui avait conférés. Les magistrats sont tirés au sort. On crée aussi un nouveau collège appelée "stratégie", composé de dix membres élus par l'Assemblée. Clisthène modifie en outre la composition et le fonctionnement de la Boulè (ἡ Βουλή), qui devient un "Conseil" de 500 membres tirés au sort, siégeant au Bouleuterion (τὸ Βουλευτήριον) et assurant pendant un an le fonctionnement de l'exécutif. L'Aréopage perd ainsi toutes ses fonctions politiques et la plupart de ses prérogatives judiciaires. En 462, poursuivant l'oeuvre de Clisthène, Ephialtès, le dernier grand réformateur, lui enlèvera le contrôle des comptes de magistrats, ne lui laissant à juger que les affaires criminelles à implication religieuse.
L'établissement des principes démocratiques
Le nouveau régime ne s'appelle pas encore démocratie mais le pouvoir du demos est total, appuyé sur les principes d''iségorie, isonomie et isogonie. Les classes censitaires ne sont pas abolies mais la prééminence de la loi écrite et l'égalité de jugement sont solennellement réaffirmées, Sur la Pnyx, dans l'Héliée ou le Bouleuterion, toutes les voix sont égales. Le peuple souverain jouit donc de droits dont il n'avait jamais disposé jusqu'alors. Il se retrouve aussi face à ses devoirs. C'est à lui désormais de faire face à ses reponsabilités de gouvernant, et de donner une partie de son temps à la collectivité. Il est aussi le seul gardien de la constitution et le garant de son pouvoir et de sa liberté. Pour se prémunir contre la corruption, la remise en question des principes démocratiques et un retour des oligarques ou des tyrans, la cité instaure une série de mesures de vigilance avec des procédures telles que l'euthyna (ἡ εὔθυνα), l'eisangélie (ἡ εἰσαγγελία) , la graphè paranomon (ἡ γραφή παρανόμων), ou l'ostracisme (ὁ ὀστρακισμός) dont furent parfois victimes des personnages très éminents.
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notes
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8 Munich 2314, peintre de Triptolème ; ARV2 362/14 ; Beazley Archive 203805.
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9 Sur ce point, voir F. Lissarrague, « De la sexualité des satyres », Mètis, vol. 2, no 2, 1987, p. (...)
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10 Aristophane, Nuées, v. 1011-1014.
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11 Paris, musée du Louvre, G7 ; signé Epictétos ; ARV2 78/97 ; Beazley Archive 200625.
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12 Baltimore, Johns Hopkins University 1784 ; ARV2 177/3 ; peintre du baiser ; Beazley Archive 201626
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13 Voir la liste qu’en donne Beazley, ARV2, p. 1557.
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14 Platon, Charmide, 154 b-d.
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15 Par exemple le kouros de Delphes, signé (Poly)medes d’Argos ; musée de Delphes 1524 ; Stewart, ouv (...)
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16 Simonide, cité par Platon, Protagoras 339b ; voir sur ce terme R. Johnston et D. Mulroy, « Simonid (...)
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17 Voir par exemple musée d’Olympie B5101, A. Et N. Yalouris, Olympie, guide du Musée et du sanctuair (...)
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18 Voir F. Lissarrague, « Corps et armes : figures grecques du guerrier », Langages et métaphores du (...)
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19 Boston Museum of Fine Arts, John Michael Rodocanachi Fund, 21.21; ABV 84/3; Beazley archive 300781
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20 Ovide, Métamorphoses, 13, 162-180.
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21 LIMC Achilleus no 107 à 116 ; le thème existe également dans la mosaïque, LIMC Achilleus no 117-12 (...)
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22 Naples, Musée archéologique 9110 (maisons des Dioscures, VI 9, 6-9) ; LIMC Achilleus ad o 54.
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23 Vienne, Kunsthistorisches Museum, 3695; ARV2 429/26, signée Douris; Beazley Archive 205070
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24 New York, Metropolitan Museum of Art, 1972.11.10; Rome, Villa Giulia, L 2006.10; S. De Caro dir., (...)
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25 Pour reprendre le titre d’un article de J.-P. Vernant, « Panta Kala. D’Homère à Simonide », J.-P. (...)
Cette adaptation et réalisation de la tragédie d'Eschyle par Jean Prat marque une date dans l'histoire de la télévision française. Outre la somptuosité avec laquelle elle a été montée - musique de Jean Prodromides, orchestre philharmonique de la RTF, choeurs parlés, décors grandioses- l'oeuvre sera diffusée en stéréophonie (C'est la première fois que la RTF réunit les ressources de la radio avec celles de la télévision).Le choeur, principal acteur des "Perses" est dirigé par René Alix.Les masques portés par les acteurs, ont été concus par Cyrille Dives. "Librement inspirés des bas-reliefs persans contemporains d'Eschyle, ces masques ne sont évidemment pas destinés, comme les masques grecs, à amplifier les visages des acteurs, mais à leur donner une unité, un caractère hiératique et irréel".Jean-Jacques Gambut n'a copié le vrai palais de Xerxès à Persépolis que pour le styliser.
Eschyle se sent et se définit comme l'homme des guerres médiques. Il n'appartient pas à une société anémiée, trop faible et trop lasse pour assurer par le combat la sauvegarde de ses valeurs et de ses institutions. Le courage physique et le goût du risque personnel y sont des attitudes naturelles, et la démocratie athénienne de la première moitié du ve siècle n'est pas de celles qui peuvent sans réagir voir s'installer la violence totalitaire, fût-ce sur le seul plan politique, ni la barbarie planificatrice, fût-ce sur le seul plan social ; ni non plus laisser, sans s'y opposer les armes à la main, aucune domination d'origine étrangère l'investir et la corrompre avant de la submerger. Cette énergique assurance est d'autant plus remarquable qu'elle ne sera le fait que de quelques générations et coïncide presque exactement avec l'époque que le poète a vécue. Né vers 525 avant Jésus-Christ au bourg sacré d'Eleusis, Eschyle, fils cl'Euphorion, se trouve à l'âge de trente-cinq ans dans les rangs de l'infanterie athénienne engagée contre les Perses de Darius à Marathon, en 490, et son frère Cynégire, tué à l'ennemi au cours de la bataille, est l'un des cent quatrevingt-douze soldats d'Athènes tombés pour sa liberté (Hérodote, VI, 114). Dix ans plus tard, en 480, il est avec son jeune frère Aminias à Salamine, et l'on retrouvera dans le récit du messager des Perses le souvenir qu'il a gardé de la grande bataille navale dont il n'est pas exagéré de dire qu'elle a changé le sort du monde. La Vie du poète qui donne ces précisions ajoute qu'il prit part aussi au combat d'infanterie de Platées qui marque, avec la défaite et la mort du général perse Mardonios, le dernier engagement important de la guerre.